COMMENT METTRE EN PLACE UN PROGRAMME LIÉ AUX OPÉRATIONS DE DRONE PAR LA POLICE AU ROYAUME-UNI
COMMENT METTRE EN PLACE UN PROGRAMME LIÉ AUX OPÉRATIONS DE DRONE PAR LA POLICE AU ROYAUME-UNI
Entretien avec Tom Shainberg, pilote de drone de la police de Devon et de Cornwall
Selon une étude indépendante du HMICFRS (l’Inspectorat de la police et des services d’incendie et de secours de Sa Majesté)[1] réalisée en mars 2017, plus de 65% des forces de police britanniques « avaient acheté au moins un drone ou en avaient facilement accès ». Cependant, avec l’augmentation constante du nombre de reportages montrant des policiers utilisant des drones, ce nombre a certainement augmenté entre temps.
L’un des exemples représentant les avantages de la technologie des drones pour les forces de police, est le cas de la police de Devon & Cornwall et la police du Dorset, qui ont formé une alliance stratégique et créé une équipe baptisée Alliance Drone.
Nous avons rencontré leur principal pilote de drone, Tom Shainberg, pour nous en dire plus sur l’utilisation de drones par l’Alliance Drone.
Votre équipe Alliance Drone a été formée en 2016, quand avez-vous commencé à vous intéresser à l’utilisation de drones pour les opérations policières ?
Mon père utilisait des drones depuis 2013 dans sa propre entreprise de photographie aérienne et j’ai immédiatement vu les énormes avantages que ces appareils pouvaient apporter à la police. Un collègue et moi avons donc proposé à des officiers supérieurs de faire un essai pour déterminer si les drones constitueraient un atout et pourraient renforcer les capacités de la police. L’essai a été très fructueux et nous sommes passés progressivement de 3 personnes utilisant 2 drones à une flotte de 30 drones et nous sommes sur le point d’atteindre 59 pilotes dans les polices de Devon & Cornwall et du Dorset. Nous étions la première préfecture de police au Royaume-Uni à avoir une unité opérationnelle autonome de drones. Et évidemment, nous en sommes très fiers.
Combien d’opérations de drones l’équipe a-t-elle menées depuis sa création et quel est le type d’opération le plus courant ?
Jusqu’à présent, nous avons effectué près de 600 missions distinctes et je suppose que ça doit faire à peu près 15 000 minutes de vol. Il est important de préciser que certaines missions nécessitent plusieurs vols et que certains de nos déploiements peuvent s’échelonner sur plusieurs jours. 350 de ces déploiements ont eu lieu au cours des 12 derniers mois seulement et nous espérons en effectuer 500 autres au cours des 12 prochains mois. Nous intervenons dans une grande variété d’opérations policières, notamment les recherches de personnes disparues, les incidents impliquant des armes à feu, les accidents routiers, les scènes de crime et la sécurisation des événements majeurs (comme les matchs de football ou les grands festivals de musique), mais nous assistons également nos institutions partenaires à l’instar des services des incendies.
Quels sont certains des défis auxquels vous avez dû faire face, comment les avez-vous surmontés et quelles leçons en avez-vous tirées ?
L’intégration de cette nouvelle ressource au sein de la police a été un défi de taille. Non seulement parce que c’est une nouvelle technologie, mais aussi parce que nous essayons aussi d’intégrer les drones dans les opérations de police quotidiennes. Ce n’est pas comme si nous essayions d’intégrer les smartphones, tout le monde en a déjà un et sait comment s’en servir. La technologie des drones est un terrain complètement nouveau pour nous tous, et il nous fallait également trouver la manière idéale d’incorporer efficacement les drones aux tactiques existantes pour gérer en toute sécurité les données que nous recueillons, mais tout en respectant les politiques auxquelles nous sommes soumis. Par ailleurs, au fur et à mesure que notre équipe s’agrandissait, il est devenu difficile de gérer une flotte de drones et un grand nombre de pilotes. C’était plus facile au début, lorsqu’il n’y avait que quelques drones et seulement deux d’entre nous qui les utilisaient. Maintenant que nous disposons d’une flotte de 30 appareils, partagés par plus de 50 pilotes et répartis sur 5 000 milles carrés, c’est un véritable défi d’entretenir tous nos drones, de s’assurer qu’ils ont les dernières versions de firmware et qu’ils sont prêts à être déployés. C’est pareil pour nos pilotes, qui doivent travailler un certain nombre d’heures chaque mois pour rester opérationnels, ce qui est difficile à gérer. C’est pourquoi nous sommes sur le point d’introduire un nouveau système de gestion de vol dédié, un logiciel qui aidera à gérer nos appareils et nos pilotes.
Un dernier défi que j’aimerais mentionner, c’est que nous avons souvent du mal à faire comprendre aux gens que les drones ne sont pas juste des jouets que nous faisons voler où nous voulons et quand nous le voulons. Au Royaume-Uni, il existe des lois assez strictes sur les endroits où vous pouvez piloter des drones et la police doit respecter ces lois comme tout le monde. Nous effectuons un gros travail en coulisse pour maintenir l’équipe opérationnelle, en plus de cela, chaque fois que nous utilisons le drone pour une opération planifiée, il nous faut un minimum de deux heures d’évaluation des risques et de planification. Pour les opérations plus complexes, cela peut signifier des journées de travail préparatoire, mais les gens ne voient pas ce côté, ils ne voient pas l’immense travail qui est derrière l’aide que nous leur fournissons.
Nous n’aurions pas pu réussir sans le dévouement de l’équipe et l’appui des officiers supérieurs. La plupart du temps, l’image parle d’elle-même et comme le dit l’adage, une image vaut mille mots…surtout s’il s’agit d’une image aérienne prise par un drone.
Vous est témoin du développement de la technologie des drones. Quelles sont, selon vous, les avancées les plus importantes en ce qui concerne leur aspect matériel et les charges utiles ?
À mon avis, deux avancées qui profitent à la police sont l’augmentation de la durée de vol et l’amélioration de la charge utile. Quand j’ai commencé à utiliser des drones, nous avions du mal à faire des vols de 10 minutes et nous ne pouvions transporter un GoPro qu’en journée. Quelques années seulement plus tard, nous pouvons faire 30 minutes de vol avec des caméras d’une portée de plus de 1 km et des caméras thermiques, ce qui nous permet de rester opérationnels 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Nous sommes désormais capables de communiquer avec les gens par l’intermédiaire d’un haut-parleur fixé à un drone, je n’aurais jamais imaginé cela possible. Je parle souvent de l’époque où nous utilisions nos premiers drones ; je parle d’ « époque » mais en réalité, c’était il y a seulement cinq ans, alors j’imagine un peu où nous en serons dans cinq ans.
Vous utilisez le DJI Mavic 2 Enterprise Dual depuis un certain temps déjà. Comment trouvez-vous ce drone ?
Le M2E est un excellent drone, il se déploie rapidement et nous sert d’yeux dans les airs quand nous en avons besoin. En raison de la taille de notre force, la zone que nous couvrons (près de 5 000 milles carrés), nos véhicules d’intervention armée (ARV) fournissent les drones de manière spontanée, ils patrouillent les trois comtés 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et, en raison de la quantité d’équipement qu’ils transportent, l’espace est limité. Ils ne sont pas capables de transporter un drone plus gros, donc le M2E offre un grand équilibre entre la taille/poids et les capacités. Certains incidents exigent qu’un drone décolle le plus rapidement possible, comme une poursuite à pied active où chaque seconde compte ; le M2E Dual est donc parfait pour ce type d’intervention.
Quels sont, selon vous, les principaux avantages du M2E Dual ?
Comme je l’ai déjà dit, ce sont nos véhicules d’intervention armée qui fournissent des ressources spontanées et, avec les restrictions de l’espace dont ils disposent pour transporter des choses, ils n’ont pas été en mesure de nous fournir des équipements à capacité thermique jusqu’ici. Le M2E Dual leur donne la possibilité de se déployer la nuit, ce qui n’était pas possible avant. Le drone nous permet donc de pallier ce handicap. Je dois ajouter que la caméra thermique du M2E Dual n’est pas aussi bonne que la caméra XT de notre Matrice 210, mais la possibilité d’avoir un drone qui peut être déployé rapidement pour explorer une zone après un accident routier ou nous assister lors d’une poursuite constitue un énorme avantage. Un drone n’est utile que si vous pouvez facilement le déployer lorsque vous en avez besoin, c’est le cas avec le M2E Dual. Nous avons deux M210 et à cause de la zone que nous couvrons, cela peut souvent prendre un peu de temps pour l’amener là où nous en avons besoin, donc le M2ED comble le vide et représente une solution fiable pour avoir une caméra thermique dans les airs très rapidement.
Si vous deviez envoyer une liste de suggestions aux ingénieurs qui conçoivent les prochaines générations de drones, quels seraient vos trois principales suggestions ?
Ma première suggestion serait d’améliorer l‘étanchéité des drones. Nous vivons dans un pays où il pleut malheureusement une grande partie de l’année et le fait de ne pas pourvoir utiliser nos drones sous la pluie constitue un véritable handicap en ce moment. J’ajouterais à cela la capacité de voler dans des vents forts. Notre région est soumise à des vents violents, rajoutez à cela la pluie et nous sommes souvent incapables de voler. Dans notre métier, nous essayons de sauver des vies et de rassembler des preuves. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre le beau temps. Nous devons être en mesure de voler quel que soit le climat.
Ma seconde suggestion serait d’augmenter la durée des vols. Notre usage des drones s’est grandement développé et on nous appelle régulièrement pour des missions qui durent plusieurs heures. Nous pouvons rester sur les lieux d’un incident toute la journée en rechargeant les batteries, mais nous perdons de précieuses minutes en devant atterrir toutes les 25 minutes environ pour changer de batterie. Si nous pouvions rester en l’air plus longtemps, nous pourrions améliorer la qualité de notre service de façon significative.
Enfin, j’aimerais voir des progrès en ce qui concerne les charges utiles. Nous avons fait des progrès remarquables ces dernières années et le projecteur et le haut-parleur du M2E nous ont fait découvrir à quel point ceux-ci sont essentiels un drone. J’aimerais à présent accéder à une communication bilatérale afin de pouvoir communiquer pleinement avec les personnes qui sont dans des situations périlleuses. Le zoom est l’un des progrès les plus considérables jusqu’à maintenant et représente un bond en avant gigantesque par rapport au Mavic Pro. Donc j’aimerais voir de nouvelles optiques à zoom et d’autres choses que les drones peuvent transporter auxquelles je n’aurais jamais pensé. Je suis convaincu que de nouvelles charges utiles seront développées dans les prochaines années. Si on considère qu’un drone est une simple plateforme pour transporter quelque chose, alors tout est possible, nous ne sommes limités que par notre imagination !
Voulez-vous ajouter un dernier commentaire ?
C’est une période géniale dans le monde des drones et tout avance très vite, il est difficile de suivre toute l’actualité. Nous sommes en pleine innovation avec l’usage de drones par la police. Cela n’a jamais été fait auparavant et je me sens privilégié de pouvoir en faire partie. Je suis impatient de voir ce que l’avenir nous réserve.